Démarche artistique
Pour définir ma démarche artistique il faut d’abord définir ce que je considère une œuvre d’art, ou du moins ce qui n’est pas une œuvre d’Art.
« Oser voir avant de savoir »
Il y a plusieurs étapes dans l’appréciation d’un œuvre plastique. Le premier contact doit impérativement être émotionnel. On pourrait dire « qui passe par les tripes »; notre côté animal qui se passe de « l’intellect ». Puis vient l’analyse et la compréhension de l’objet: Cette deuxième interaction peut modifier l’émotion mais ne doit pas être la première approche. Un « objet » qui a besoin de l’analyse et de la compréhension pour amener l’émotion ce n’est PAS une œuvre d’Art plastique. Je précise « plastique » car d’autres formes d’Art, comme la littérature, doivent passer par l’intellect pour obtenir l’émotion.
« Le vrai mystère du monde est le visible, et non l’invisible » Oscar Wilde. Peindre, sculpter, ce doit être « oser prendre la liberté d’envisager les choses sans encore les penser, sans les réduire à des définitions verbales. »
En conséquence ma démarche d’imagination-construction commence par l’envie d’aller à la rencontre du sujet ; par le plaisir, la souffrance, de cette «construction intellectuelle» qu’est «l’imagination». Je n’aime pas le terme « création* » qui induit un départ depuis « rien ». L’imagination est une construction faite de « briques accumulées dans notre inconscient » (Tout ce que j’oublie* devient le terreau de ma propre imagination, Graham Green). L’analyse et la compréhension de ma relation au sujet vient pendant le processus de réalisation : je passe beaucoup plus de temps à observer les objets/matériaux qu’au contact physique, taille, application de pigments, etc. Dès le premier coup de ciseau, gouge, pinceau, tout doit aller très vite – Actuellement je passe rarement plus de deux jours à la taille d’une sculpture ou quelques heures à l’application des pigments. Puis vient « l’abandon » : l’œuvre doit se séparer de l’artiste, vivre sa propre vie ou disparaitre ! Le texte présentant une technique que j’ai inventée pour une exposition en plein air en 2005 (béton moulé, modelé, dans la terre) définit bien ce processus : « Mes sculptures sont des mise en scène où les personnages principaux – les matériaux – dialoguent avec la forme ; la forme avec le vide… Je les charge du maximum d’émotion pour qu’elles soient indépendantes… Quand je les « sors de terre » elles ne m’appartiennent plus : – Elles vivent dans les yeux de ceux qui les regardent ou ne sont que des « pierres » noyées dans le « paysage » pour ceux qui ne leurs donnent rien. »
- Rio Styx, 2014, if et pierre de moraine, La recherche principale de cette sculpture est l’équilibre. Elle n’est pas fixée sur un socle mais simplement posée librement et peut donc pivoter et se balancer. …Si l’on enlève la pierre la branche tombe!
- ( Ma démarche artistique est à l’image de l’équilibre de cette sculpture: Épurer au maximum, enlever toutes les « informations »et détails inutiles; Enlever, enlever, épurer… mais savoir s’arrêter avant que « tout s’écroule »!!!)
S’il fallait trouver un lien au long de ces 37 années, depuis la sculpture n°1 (voir 36 ANS DE SCULPTURE) se serait le rapport aux matériaux. Depuis simple moyens d’obtenir des « formes » ils sont devenus éléments symboliques pour finalement être les éléments principaux de l’œuvre – le fil conducteur de l’histoire racontée, le point de départ…
*Notes : Pour pouvoir « oublié » il faut d’abord vivre, aller à la rencontre… Toutes les rencontres que j’ai faites lors de mes voyages autour du monde ont alimenté mon imaginaire et mon « iconographie personnelle » ( voir BIOGRAPHIE )
Conclusion :
Jeune on ne comprend pas mais on agit
– Plus tard on croit comprendre et on se traîne.
Je n’essaye plus de répondre je pose des questions… et l’envie de détruire les sottises du passé me revient… Mais sans l’incompréhension des premières œuvres je ne serais pas parti… Sans la consolidation de la “compréhension” je me serais arrêté… et sans les incertitudes, le questionnement, l’ouverture et l’émerveillement je ne vivrais plus pour vous les conter.
L’installation « TRACES ET REGARDS CROISÉS » ne serait pas sans la « SCULPTURE N°1 »
… Les sculptures « Réponse » disparaissent au « recyclage », seules restent les « Questions »…
« Ce sont les regardeurs qui font les tableaux » DUCHAMPS.
C’est cette interaction avec le destinataire qui donne du sens; un vrai dialogue entre l’artiste et le « regardeur » par l’intermédiaire de l’œuvre.
De ce sens rétroactif naît, peut-être, la véritable création!?
F. Burkha, juin 2018