Voyager entre deux trous de mémoire

Tout commence ce lundi d’août 2021, soir je n’avais plus la « muni »… enfin du temps pour soi… Mais que font tous les politiciens qui prennent leur retraite?… ils écrivent leurs mémoires! Si j’ai un seul talent c’est bien celui d’oublier. L’oubli très utile pour l’imagination (comme le disait Graham Green – Tout ce que j’oublie devient le terreau de ma propre imagination) mais plutôt un handicap quand il s’agit d’écrire une autobiographie!?!

Ma chance est que les souvenirs remontent à la surface quand je regarde mes anciennes sculptures. Un problème, j’ai vendu toutes celles d’avant 2005. Pas de soucis, je vais les peindre – Peindre c’est pour moi comme une méditation qui me met en relation avec le sujet, et pour le cas présent fait revenir le passé. 

Donc c’est parti je vais écrire mes mémoires en quelques récits de  « Voyages entre deux trous de mémoire ».

Demain, après-demain… bientôt, c’est promis je vous écris l’histoire de cette pépite (voir photo) de 200 grammes d’ambre noir du Chiapas…

Article de Dany SchaerL’Echo du Gros-de-Vaud, 27 août 2021

Trou de mémoire 

Sculpture (ambre, cuivre, érable et if. 1981-2021) faisant partie du projet “voyager entre deux trous de mémoire” (peintures, sculptures, textes): des mots, une narration, pour relater les voyages,les rencontres; le concret, le conscient… et les trous de mémoire pour exprimer l’inconscient. 

L’inspiration c’est peut-être oser  lâcher prise. Se laisser tomber dans se trou sans fond, comme le seau que l’on jette dans le puit. Puis la corde qui remonte… l’imagination.

Voyager entre deux trous de mémoire

Monologue « sculptorico-scénique »

« CAMINO », chemin entre les « CAMINO », chemin entre les sculptures « numéro 1 » 
et « Rio », acrylique, cendres et ocres sur prunier

En peignant ce regard de dieu maya , d’une de mes sculptures combinant ambre avec un galet de granit du « Río Cuilco » à la frontière entre le Guatemala et le Mexique, les souvenirs se bousculent…

Ce matin nous étions parti tôt depuis l’atelier de Kees, pour aller à la « pêche aux pierres ». Les habitants du coin, que nous avions engagés pour nous aider à transporter vers le pickup les pierres que nous choisissions patiemment dans le lit de cette rivière, avaient dû nous prendre pour des fous: – ¿Porqué cargar esas piedras cientos de metros cuando hay miles justo al lado de la carretera? 

En fin d’après-midi nous nous décidions à remonter dans la vielle Dodge , le chemin de retour vers San Cristóbal de las Casas était encore long. La route sinueuse qui nous éloignait de la frontière du Guatemala longeait encore la rivière sur quelques kilomètres. Un dernier regard sur les berges; « Regardes là!… un dernier caillou?… Un autre regard dans le rétroviseur répondit pour nous: la gondole était plus que pleine de ces galets de granit et de grès, gris, rose ou vert , usés, polis, arrondis par la rage des eaux de la Sierra Madre. La taille des plus gros était du maximum de ce qu’avaient pu supporter les épaules de nos, braves mais ronchons, aides du jour. Donc plus d’arrêt avant le « Valle de Jovel »! Eh non! Après avoir passer le premier virage nous fûmes forcé de nous arrêter à un barrage de l’armée. 

«¡Bajan de la caminoneta! » Nous obtempérons pour laisser les soldats fouiller le véhicule. Après un regard à l’arrière leur chef nous demande « ¿ Que transportan aquí? » Après lui avoir expliqué que nous venions juste de prendre ces pierres dans la rivière et que nous les transportions vers notre atelier de sculpture, il nous ordonna calmement « ¡Ábrenos esas piedras! Para que podamos ver lo que hay a dentro! » 

Je jetais un regard vers Kees qui avait l’air aussi perplexe que moi.   Ce gradé de l’armée mexicaine venait de nous demander d’ouvrir des boulets de granit massif pour pouvoir «voir ce qu’il y avait à l’intérieur! » Comment sortir de là et expliquer à ce militaire, qui manifestement ne cherchait pas la même chose que nous, que nous avions belle et bien choisi ces pierres pour ce qu’elles « avaient à l’intérieur » mais que nous ne pourrions pas lui les ouvrir!?!

Mes voyages on toujours été des fuîtes avant de devenir de rencontre.

«Caminante, no hay camino, se hace camino al andar» Antonio Machado

« Quand la lumière du soleil traverse la pierre il faut arrêter de creuser!

Prologue

sculpture numéro 1, cuivre 17/24/40 mm

Cette été 2021 Marina m’a rapporté depuis le Mexique la « Sculpture numéro 1 », taillée un dans un petit bloc de cuivre; ils l’avaient retrouvée en rangeant un recoins de la maison qui fut un temps mon atelier de taille d’ambre. – 50 grammes de cuivre qui me remettaient sur les pas perdus du chemin qui va des Alpes suisses à la Sierra Madré, jusqu’à cette rivière à la frontière entre le Guatemala et le Mexique.

Ce Chemin vers cette rivière du Chiapas, à la « pêche aux pierres » avec mon grand ami Kees, un peintre, sculpteur et architecte comme moi, est truffé, non pas de nids de poule mais de trous de mémoire. 

Car si j’ai un seul talent c’est bien celui d’oublier. L’oubli très utile pour l’imagination , comme le disait Graham Green « Tout ce que j’oublie devient le terreau de ma propre imagination », mais plutôt un handicap quand il s’agit d’écrire un récit de voyage autobiographique.

La mémoire est une matière bien étrange, tout sauf claire et monolithique . A l’instar de la perception visuelle, elle aussi doit construire une cohérence et parfois compléter ou inventer une vérité. « La vie n’est pas celle que l’on a vécu, mais bien celle dont on se souvient et comment on s’en souvient pour la raconter. » Gabriel García Márquez.

Un exemple de cette “mémoire construite” m’est revenu avec cette première sculpture. En 1983 j’avais présenté une réplique en bois de la « sculpture numéro 1 » à un concours d’apprenti en catégorie art plastique. Pendant de nombreuses années j’ai écrit sur mon curriculum avoir obtenu le deuxième prix de cette catégorie. Il y’a quelques années en fouillant dans mes paperasses je me rendis compte que j’avais obtenu , non le deuxième mais le premier prix! Pourquoi c’était gravé dans ma mémoire une deuxième place?

  • Aujourd’hui, en faisant jouer la statuette de cuivre entre mes doigts… me revient en mémoire le jour de la remise des prix.

Nous avions fait le voyage jusqu’à Saint-Ursanne pour assister à la partie officielle et à la remise des prix du « Salon romand de jeunes talents ». Cette année là c’était au Jura, nouveau canton et République fraîchement validé par les urnes quelques 5 ans auparavant, d’organiser l’événement. Comme mes parents avaient mal jugé de la distance et du temps de trajet, Google n’existait pas en 1982, nous sommes arrivés dans cette bourgade médiévale des bords du Doubs bien après le début des discours de nos fiers politiciens jurassiens! Donc il ne restait que quelques places au fond de la salle des fêtes. Malgré le retard nous fûmes gratifiés  de longues minutes d’auto congratulations politiciennes. Et quand enfin le tour était venu d’annoncer les vainqueurs du concours, je devais être à moitié endormi! Il me fallu un certain laps de temps pour réaliser que c’était mon nom que l’on avait annoncé après «  premier prix catégorie artistique ». La surprise passée , je me frayais un chemin jusqu’à l’allée. Je descendis quatre à quatre les marches … mais arrivé vers la scène ils avaient déjà annoncé le deuxième prix, pour mon malheur Un Jurassien! Lui il était bien organisé et prêt au premier rang! Il avait déjà touché la main du politicien, Jurassien et était sous les feux du photographe  du quotidien local, également bien Jurassien, quand je pu enfin atteindre l’estrade. Une dame gênée me demanda  qui j’étais. Mon nom ne la faisant pas réagir, je lui dis qu’apparemment c’était moi qui avais gagné le premier prix; après un « ah, oui! »  toujours aussi gêné, elle me tendit mon diplôme avec un « toutes mes félicitations » forcé , puis se retourna vers la gloire locale. Ma carrière d’éternel étranger avait commencé là!

De ce non-évènement ma mémoire a gravé “deuxième sur scène” pour arriver à la certitude de “deuxième prix catégorie Art plastique”. Construction cohérente, non?!

La sculpture Río a été, elle, un vrai « deuxième prix, catégorie artistique », au Mexique cette fois ci. Mais n’anticipons pas, il me reste quelques histoires à vous raconter au long du trajet qui mène à ce « deuxième non-évènement ».

Le départ, ou l’apprenti voyageur. 

Au bas de l’estrade je suis resté planté là un bon moment avec dans les mains mon « diplôme de jeunes talent ». Je voulais leur crier – Eh! Le premier prix c’est moi! Mais je m’étais assez ridiculisé comme ça et j’ai tourné les talons. Première fuite… et pas ridicule pour la dernière fois.  

Tout le monde vous le dira le ridicule ne tue pas, j’en suis la preuve vivante en vous racontant mes pérégrinations, mais ne pas vouloir le paraître peut être fatal, comme dans cette rivière australienne… Mais là je vais trop vite ! 

Pour mon premier voyage d’apprenti globe-trotter  j’ai choisis plus proche…

à suivre…..

Mais pour ”écrire” ces histoires il faut d’abord les faire remonter du fond de ce puit de l’oubli … donc pour “remémorer” je dois peindre, sculpter.

Le projet commence par une exposition “Les dis petites boîtes”.

des boîtes sortiront des histoires improvisées puis écrites. Les boîtes et les mots qui les accompagnent sont en cours d’élaboration. Cette page vous en montrera quelques « avant-goût » et sera mise à jour régulièrent:

Si certaines sculptures « se forment » en quelques heures, d’autres je les laisse prendre la patine du temps… mais qu’elles soient « terminées » en quelques heures ou quelques années, il faut toujours doser ce « lâcher-prises » pour les laisser « prendre vie »…

“Mandorle”

Le départ de cette installation est le « recyclage » d’une sculpture d’étude (marbre Cristalina, 1995) réalisée au retour d’un voyage en Inde; elle fait revenir à la surface* l’histoire d’une rencontre avec un sculpteur… du XIIème siècle!

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